Transfert d’un élève harceleur : l’avis d’Educ’AT
Les dernières mesures annoncées par l’Education Nationale, face au harcèlement scolaire…
Un élève responsable de harcèlement scolaire pourra désormais être transféré dans une autre école, évitant d’imposer ce changement à celui qui en est victime ( décret publié jeudi 17 aout 2023).
Ce décret fait suite au suicide en mai dernier de Lindsay, 13 ans, dans le Pas de Calais.
Le nouveau ministre de l’Education Nationale, Gabriel Attal, a affirmé le 17 aout dernier, lors d’une visite à la Réunion pour la rentrée scolaire, vouloir une « tolérance zéro contre toutes les formes de harcèlement« .
Est-ce que cette décision qui se veut ferme et définitive éradiquera le harcèlement ? Elle me semble plutôt traduire une impuissance à gérer une situation, en la déplaçant ailleurs.
J’aurais deux questions à poser à monsieur le ministre :
1) Croyez vous que tous les harcèlements sont visibles et repérés par les adultes ?
Mon expérience de terrain m’a montré qu’une grande partie des actions visant à harceler un élève restent invisibles aux yeux des adultes en présence. Je peux même témoigner d’une situation vécue ou le harceleur avait été exclu, suite à la révélation de ses actes. Le harcèlement s’était poursuivi jusqu’à la fin de l’année, d’une manière souterraine par quelques jeunes, furieux de l’éviction de leur leader.
La méthode Tatou Kompry considère le harcèlement dans sa dimension systémique. Tous les enfants comprennent que « la violence est issue de la souffrance » et que l’on peut apprendre à prendre soin les uns des autres. Ce sont les enfants eux mêmes qui agissent afin que la souffrance ne s’installe pas pour eux ni pour les autres.
2) Pensez vous que l’exclusion résout les problèmes sous-jacents au harcèlement ?
Si les prisons étaient efficaces, les détenus sortiraient repentis et adaptés à la société qui les a rejeté ! Or, on sait les cas de récidives nombreux car le problème de fond qui a engendré l’acte répréhensible n’est pas réglé, voir même souvent amplifié par ces mesures d’exclusion.
Combien d’enfants passent d’établissement en établissement, restant de moins en moins souvent en place jusqu’à leur majorité ? Et que deviennent-ils après ?
La méthode Tatou Kompry valorise chaque enfant en lui permettant de développer sa souveraineté. Grâce à elle, il apprend à se connaître pour agir, à s’aimer, à s’exprimer pour faire entendre ses besoins et à coopérer avec les autres, en recevant des signes d’attention, de respect et de soutien. Voilà les orientations principales de notre démarche.
Pour terminer ce billet, je dirai que la plupart des approches, essentiellement curatives, tendent à négliger deux dimensions :
- Tout d’abord la prise en compte du mal-être de l’élève harceleur, souvent victime paradoxalement d’une insuffisante estime de soi, est l’un des facteurs sur lesquels il convient d’intervenir.
- Également la plupart des cas de harcèlement recèlent une dimension collective.
Pour ces raisons, il est important de s’attacher à comprendre le sens d’une relation toxique. Elle n’arrive jamais par hasard. Le comprendre permet d’entamer un processus de guérison. Et le groupe peut soutenir cette démarche plutôt que de l’amplifier.
Notre approche préventive est portée par la conviction que l’éducation prépare le monde de demain.
Marie-Pierre Lescure