Apprendre sans peur… c’est plutôt naturel !
Il n’y a qu’à observer un jeune enfant qui explore son environnement. Il peut inlassablement répéter un geste, se relever après une chute dix fois, vingt fois, réessayer jusqu’à ce qu’il arrive à vaincre la difficulté. S’il est laissé à son exploration tranquille, aucun pleur, aucun découragement ne seront perceptibles. Juste une concentration intense et l’envie d’atteindre son but, apprendre.
Apprendre confronte l’enfant au vide, à l’incertitude. Il est ramené à lui-même et sollicité dans sa capacité à chercher avec confiance, des solutions au problème qui se pose à lui.
Pour cela il a besoin de s’appuyer sur une sécurité interne et externe.
La sécurité externe concerne deux points essentiels
La bienveillance avec laquelle les adultes peuvent entourer les conduites d’apprentissage (intellectuelles, motrices…) de l’enfant.
Pas de critiques humiliantes « tu n’es même pas capable de faire une phrase correcte ! », d’agacement, parce qu’il ne comprend pas tout de suite « alors…t’es bouché ou quoi, c’est pourtant pas compliqué ? », d’attentes « pourvu que tu aies une bonne note à ce contrôle ! » de dévalorisations « quand je pense que ça fait trois fois que je te répète cette règle de grammaire, t’as un problème ! », de rejet « Je laisse tomber, tu ne comprends rien ! », de règles rigides « tu vas travailler même si tu n’as rien à faire ! » Cela parle aussi du climat à instaurer dans une classe, afin que les enfants se respectent, s’encouragent, travaillent ensemble dans des processus coopératifs et non dans la compétition et les moqueries ; dans une fratrie en veillant à ce que chacun ait sa place et soit entendu.
La sécurité interne se construit lorsque les 5 principes suivants sont activés :
Si l‘enfant a pu au cours de son développement, faire ses expériences de découverte du monde, en étant encouragé à se « détacher » peu à peu de la relation symbiotique avec sa mère
Dans le cas contraire, une éducation surprotectrice l’ empêche de se confronter à l’inconnu « laisse, tu ne sais pas le faire, je m’en occupe »,et occasionne probablement un abandon. L’enfant fera demi-tour devant l’épreuve qui se présente à lui, car il pensera ne pas avoir les ressources suffisantes pour la surmonter.
S’il a été encouragé à exprimer son ressenti, ses doutes, ses joies au travers de ses expériences.
Mais, si par manque de temps, d’attention, de capacités des parents à parler de leurs propres ressentis, l’enfant n’est pas encouragé à mettre des mots sur sa vie intérieure. Il perdra confiance en ses capacités, se décentrera en s’adaptant à ce qu’il pense être bon pour lui, en se modélisant sur les adultes qui l’entourent. Une absence de mots empêche la pensée de se structurer. Or c’est une condition essentielle au « bien apprendre »
S’il a été valorisé pour ses succès et consolé pour ses échecs
En d’autres termes, s’il a reçu assez d’amour de la part de ses parents, il se construira un monde intérieur où il aura acquis les ressources nécessaires pour s’encourager, se consoler lui-même face aux difficultés de la vie.
S’il a été contenu dans ses pulsions par des règles protectrices bienveillantes lui permettant d’expérimenter la frustration
A l’inverse, si l’éducation n’a pas su contenir les pulsions de l’enfant, l’absence de tolérance à la frustration provoquera un abandon face à tout apprentissage qui demande du temps, des règles à suivre, de la répétition et une avancée lente par « essais erreurs ».
S’il n’a jamais ressenti de terreur face à ses parents ou autres figures d’autorité
Alors que dans le cas contraire, l’enfant risque d’être parasité par une mémoire traumatique. Ce point est souvent méconnu. Aujourd’hui, grâce aux travaux de Muriel Salmona sur les conséquences d’une mémoire traumatique, on sait qu’un stress intense, né de terreurs ressenties par l’enfant (violences physiques, verbales, abandon…), provoque des modifications internes d’ordre biologiques et neurologiques, qui persistent au-delà du traumatisme. Les conséquences peuvent se traduire par un hypercontrôle pouvant créer un état d’agitation permanent, des troubles de l’attention, un seuil plus élevé de sensibilité à la douleur, des conduites à risques, des pratiques addictives…et cela pour toute la vie !
Rassurez-vous ! Il existe des techniques de libération des mémoires traumatiques, j’en parlerai plus précisément dans mon prochain article.
En résumé, si ces points sont respectés ou restaurés, l’enfant abordera le « risque d’apprendre » sans peur, guidé par un enthousiasme qui le poussera naturellement à découvrir l’inconnu.
La motivation à apprendre est comme une flamme, née avec le premier souffle de la vie. On peut l’aviver en l’alimentant de combustible et d’oxygène (les encouragements, la bienveillance).
On peut aussi l’éteindre en la soumettant à un trop grand vent (la contrainte) ou en l’arrosant avec de l’eau froide (la dévalorisation, la violence).